
La poularde

L'élite des poules
Sa chair délicate d'un blanc nacré rivalise avec celle du chapon. Elle tend à supplanter la dinde qui s'est banalisée sur nos tables lors des fêtes de fin d'année. On peut dire que la poularde est la volaille la plus raffinée qui soit. Un mets de luxe, mais un mets généreux, qui pèse en moyenne deux kilos. À s'offrir à l'occasion pour contenter une belle tablée.
On dénombre pas moins de 110 recettes de poularde au chapitre VIII, "Relevés et entrées" de volailles du fameux "Guide culinaire" d'Auguste Escoffier, référence absolue de la cuisine gastronomique française depuis un siècle. On la servait en général entière, soit comme Rôti, soit comme Relevé, c'est-à-dire le plat servi après le Potage et avant les Entrées.
Bien élevée
La poularde est une jeune poulette élevée avec soin, nourrie de farine de blé, de maïs et de lait, jusqu'à ce qu'elle soit tendre et dodue à souhait, ce qui justifie son coût. Les Romains lui donnaient des bouillies de farine au vin et au miel. Au Moyen-Age, elle figurait déjà en bonne place sur les étals du marché, quai de la Mégisserie à Paris. A cette époque-là, on l'appréciait plutôt en version poule au pot.
Origine contrôlée
La poularde de Houdan, réputée depuis Louis XIII, reste la race la plus ancienne. La Faverolle, plus grosse, l'a concurrencée, de même que la poularde belge, la coucou de Malines, engraissée jusqu'à 3 mois d'une bouillie de sarrasin au petit lait. Mais la poularde de Bresse, appréciée des connaisseurs depuis toujours, est la seule de nos jours à bénéficier de l'appellation A.O.C. (Appellation d'Origine Contrôlée) avec une charte d'élevage rigoureuse.
Tradition & Gastronomie
À Lyon, la mère Brazier a inventé la poularde demi-deuil en glissant sous la peau des lamelles de truffe. Une recette reprise dans le Guide culinaire d'Escoffier et par Fernand Point, le premier chef à obtenir 3 étoiles au Guide Michelin. De grandes toques comme Georges Blanc ou Alain Chapel et leurs successeurs ont assuré la transmission de la tradition gastronomique autour de la poularde. On sait que la mère Blanc, grand-mère de Georges Blanc préparait la poularde de Bresse en fricassée à la crème. Et Philippe Jousse, successeur d'Alain Chapel à Mionnay, la sert toujours cuite en vessie dans un bouillon de volaille, madère, cognac et jus de truffe, accompagnée d'une sauce Albuféra, une réduction de jus lié au foie gras.
Servir la poularde
Auguste Escoffier ne se contente pas dans les trois éditions de son Guide culinaire (1902, 1907 et 1912) de nous transmettre ses recettes.
Il se préoccupe aussi du service en salle et de la satisfaction des clients. Ses remarques et ses conseils sont toujours en vigueur aujourd'hui, tant à l'office qu'en salle. Il observe ainsi que "le plus souvent, le convive se trouve en face de morceaux de volaille mal présentés et insuffisamment chauds". Aussi met-il au point l'art et la manière de prélever tout d'abord les suprêmes de volaille et de les tenir au chaud pendant le dressage de l'accompagnement et le découpage de la poularde. Un raffinement qui va jusqu'à les présenter sur de "fines croûtes de tartelettes" ou "de minces croûtons frits au beurre frais" qui peuvent être surmontés, luxe suprême, d'une lame de foie gras sur laquelle on pose le suprême couronné d'une épaisse lame de truffe. La sauce étant servie chaude, à part.
Anecdote littéraire
On peut dire que le Dialogue du Chapon et de la Poularde, écrit par Voltaire en 1763, est la première protestation philosophique contre la cruauté des appétits humains.