C’est quoi le goût ?

Tu aimes les fraises mais pas les endives ? Le chocolat au lait mais pas le chocolat noir ? La viande mais pas le poisson ? Tout cela n’est après tout qu’une affaire de goût. Mais au fait, c’est quoi le goût ? 

Pour les enfants de 6 à 9 ans

Il faut distinguer deux choses : le goût personnel, qui fait que tu n’aimes pas forcément les mêmes choses que tes copains et copines, et le goût biologique, qui est ta capacité à percevoir et analyser ce que tu manges. Ainsi, en croquant dans une rondelle de citron, tout le monde sent bien que c’est très acide… mais certains vont aimer la sensation que ça procure, tandis que d’autres vont trouver ça… horrible ! 

Comment fonctionne cette capacité biologique que tu as de « goûter » les aliments, et qui, avec la vue, l’ouïe, l’odorat et le toucher, fait partie de tes 5 sens ? En fait, là où ça se complique un peu, c’est que quand on parle de « goût » dans le langage courant, on englobe souvent plusieurs de ces sens.

Pour essayer de décortiquer tout ça, imaginons que tu manges une fraise et analysons ensemble ce qui se passe.

 

                                                            Visuel de fraises entières et coupées

 

D’abord, tu vois la fraise et, si tu en as déjà mangé, ça te rappelle des sensations (a priori plutôt agréables ; nous sommes nombreux à aimer les fraises !) qui te préparent à la dégustation en te faisant éventuellement saliver. 

Ensuite, tu l’approches de ta bouche, et là, tu sens déjà une odeur caractéristique. En effet, des molécules s’échappent de la fraise, rentrent dans tes narines et sont détectées par ton bulbe olfactif (organe situé entre ton nez et ton cerveau) ; tu te dis alors « ça sent la fraise ! ».

Puis tu croques la fraise et tu mâches. C’est là que la plupart des choses se passent. D’abord, ta langue est tapissée de papilles gustatives qui te permettent de sentir les saveurs, notamment le salé, le sucré, l’amer ou l’acide (et sans doute encore d’autres saveurs que les scientifiques essayent de comprendre) ; ici, c’est surtout le côté sucré et acidulé que tu vas ressentir, selon la variété et la maturité de la fraise. En même temps, le « goût » de la fraise devient de plus en plus fort : tout simplement parce qu’en mâchant, tu libères encore des composés aromatiques qui vont rejoindre par l’intérieur de ton nez le bulbe olfactif, et ton cerveau te dit « ça sent vraiment la fraise ! ». 

Enfin, en croquant et en mâchant, tu sens la consistance de la fraise, plus ou moins ferme selon qu’elle est mûre ou non ; et tu sens aussi les petites graines (que l’on peut voir à la surface) qui craquent sous les dents. Ce sens du toucher participe aussi à la dégustation ; pour t’en convaincre, tu n’as qu’à goûter des chips molles : elles ont exactement la même saveur et la même odeur… mais sont beaucoup moins agréables à manger que des chips bien croquantes !  

Pour les plus grands (9-12 ans)

Quand tu manges, tu détectes la saveur, l’odeur et la texture des aliments. Toutes ces informations, collectées par ton cerveau et analysées selon ce que tu as déjà mangé avant et que tu connais, font que tu apprécies ou non ce que tu as dans la bouche. Or, il y a tellement de possibilités en cuisine, que tu peux découvrir des nouveaux plats toute ta vie ! Regardons en effet un peu plus dans le détail ce que permettent tes sens.

Les papilles situées sur ta langue détectent l’acidité (vinaigre, citron, kiwi...), le salé (sel, sauce soja, fromage…), le sucré (sucre, confiture, miel, bonbons…), l’amer (café, endive…) et, dernière venue dans la palette des saveurs reconnues par les scientifiques, l’umami, qui correspond à la saveur des protéines (que l’on retrouve notamment dans des jus de viande ou dans certains fromages comme le parmesan). Il reste sans doute d’autres saveurs à identifier ; les chercheurs travaillent notamment sur la réglisse, le gras ou le métal, mais les mécanismes de détection ne sont pas encore bien clairs

Ton nez ensuite : que ce soit grâce aux odeurs (que tu détectes avant que l’aliment ne soit dans ta bouche) ou aux arômes (que tu détectes pendant que tu mâches l’aliment), ton bulbe olfactif peut recevoir et transmettre des milliards de combinaisons différentes à ton cerveau… qui peine parfois à reconnaitre et te permettre de nommer de quoi il s’agit (combien de fois as-tu mangé une glace ou une pâte de fruit en étant incapable d’identifier son parfum ?). Mais c’est simplement qu’il faut s’entrainer avant de devenir un champion de la dégustation !

Dans la bouche, le toucher joue aussi un rôle important : tes dents, ton palais, ta langue font la différence entre des aliments granuleux, onctueux, visqueux, collants, croquants, croustillants, etc. 

Enfin, car ce n’est pas fini, il y a une dernière catégorie importante qui regroupe des sensations que tu connais bien : le piquant du piment ou du poivre, le frais de la menthe, le pétillant d’un soda, l’astringent de certains fruits (comme le cassis ou la grenade, par exemple) : tout cela n’a rien à voir ni avec les saveurs ni avec les odeurs, mais sont ce que les scientifiques appellent des sensations trigéminales, véhiculées vers ton cerveau par des nerfs indépendants

Bref, tu as compris qu’il se passe beaucoup de choses dans ta tête pour te permettre de distinguer, et si possible apprécier, tout ce que tu manges ! 

 

Fonction / Domaine

Chercheur au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle à Paris

Bio / Présentation

Spécialiste de l'alimentation, Christophe Lavelle enseigne la physico-bio-chimie culinaire au sein de nombreuses universités et écoles et donne régulièrement des conférences auprès du grand public et des professionnels (chefs, formateurs, ingénieurs). Il est également co-responsable du réseau PALIM (Patrimoines Alimentaires) de Sorbonne Université et formateur à l'INSPE pour les professeurs de cuisine. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages dont Toute la chimie qu'il faut savoir pour devenir un chef ! (Flammarion, 2017), Je mange donc je suis. Petit dictionnaire curieux de l’alimentation (Editions du MNHN, 2019) et Molécules. La science dans l'assiette (Ateliers de l'Argol, 2021).

© MNHN - JC Domenech

Photo / Illustration
Christophe Lavelle