Sensations trigéminales

Le pétillant du gaz carbonique, le piquant de la moutarde qui monte au nez (isothiocyanate d’allyle), le brûlant du piment* (capsaïcine), l’irritant de l’huile d’olive au fond de la gorge (oleocanthal), la fraîcheur de la menthe (menthol), l’astringence du thé (tanins), mais aussi la température des aliments. Toutes ces sensations proviennent du nerf trijumeau, indépendant des voies gustatives et olfactives.

Diverses molécules peuvent ainsi activer les canaux ioniques présents dans les cellules réceptrices du système nerveux périphérique impliquées notamment dans la détection de la température, renvoyant ainsi une « fausse » impression de brûlant ou de frais.

 

                              Voies impliquées dans la gustation / vetopsy.fr d'après Sciences et avenir                  Exemples de molécules piquantes ou capables de générer une sensation de fraîcheur / ©Culture et Science Chimie

 

L’astringence, perçue notamment lors de la dégustation de certains vins rouges, de thé (notamment longuement infusé) ou encore de feuille d’artichaut cru, provient quant à elle de la propriété qu'ont les tanins contenus dans ces divers aliments de se complexer aux protéines de la salive**, faisant baisser son pouvoir lubrifiant, provoquant du même coup cette sensation de « sécheresse » en bouche.

Mais ce n’est pas tout… car la température perturbe les sens : ainsi, une tarte tiède parait plus sucrée que la même tarte froide ; pareil pour une glace fondue, qui nous semble souvent beaucoup trop sucrée. Ceci viendrait du fait que, dans le système nerveux central, une même cellule peu répondre aux stimuli gustatifs mais aussi tactiles, thermiques ou olfactifs.

Si on ajoute les sensations physiques liées aux textures (le collant d’une perle de coco, le croquant d’un biscuit, le caoutchouteux d’un calamar), on se rend compte de l’étendue et de la diversité des signaux que le cerveau intègre pendant la mastication de notre repas !

* On mesure le brûlant d’un piment sur l’échelle de Scoville, qui va de 0 pour aliment sans aucun piquant détectable (comme le poivron) à 16 000 000 pour la capsaïcine pure, en passant par 2000 pour le piment d’Espelette, 40 000 pour le piment de Cayenne et plus de 1 200 000 pour le bien nommé trinidad Moruga Scorpion, qui a longtemps détenu le record de « piment le plus fort du monde » !

** C'est justement en utilisant des tannins végétaux que l’Homme a développé le processus de tannage des peaux pour les transformer en cuir, imputrescible, souple et résistant à l’eau, grâce aux liaisons chimiques favorisées par les tannins entre les fibres de collagène (protéines).

Fonction / Domaine

Chercheur au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle à Paris

Bio / Présentation

Spécialiste de l'alimentation, Christophe Lavelle enseigne la physico-bio-chimie culinaire au sein de nombreuses universités et écoles et donne régulièrement des conférences auprès du grand public et des professionnels (chefs, formateurs, ingénieurs). Il est également co-responsable du réseau PALIM (Patrimoines Alimentaires) de Sorbonne Université et formateur à l'INSPE pour les professeurs de cuisine. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages dont Toute la chimie qu'il faut savoir pour devenir un chef ! (Flammarion, 2017), Je mange donc je suis. Petit dictionnaire curieux de l’alimentation (Editions du MNHN, 2019) et Molécules. La science dans l'assiette (Ateliers de l'Argol, 2021).

© MNHN - JC Domenech

Photo / Illustration
Christophe Lavelle